La liberté académique bâillonnée
Veillant au respect absolu de la transparence, l’Association Française de Science Economique (AFSE) prône fermement la déclaration des conflits d'intérêt – lorsqu’ils existent – des chercheurs, en particulier lorsqu’ils interviennent auprès des médias. Quels qu’en soient les griefs, elle tient à condamner des méthodes inacceptables employées à l’encontre de chercheurs indépendants.
Notre collègue Elie Cohen vient d’être l’objet d’une sommation interpellative de la part de Veolia délivrée par huissier à 20 heures le vendredi 4 décembre 2020 à son domicile. Cela ne constitue pas un cas isolé, des sommations similaires ayant été délivrées à d’autres universitaires, économistes et juristes – à l’instar de Julien Icard, Professeur de droit privé – ayant pour point commun d’avoir questionné l’absorption de Suez par Veolia. Il ne s’agit pas ici de nous prononcer sur le bien-fondé ou non de cette opération publique d’achat, mais de dénoncer le recours à une procédure bâillon qui vise à faire taire les analyses dissonantes de la part de chercheurs indépendants. De fait, cette procédure opère un triple renversement.
Premièrement, au lieu d’engager le débat argument contre argument, Veolia cherche à discréditer notre collègue en distillant le soupçon sur d’éventuels conflits d’intérêt. En contraignant le chercheur à prendre l’attache d’un avocat pour réfuter publiquement tout lien d’intérêt, le terrain de l’attaque se déplace.
Deuxièmement, à partir du moment où la victime devient un coupable potentiel, les déclarations de l’auteur ne suffisent pas et Veolia se pose en champion de la divulgation des liens d’intérêt des chercheurs académiques.
Un troisième basculement s’opère alors auprès des médias soumis à un bombardement de fake news, la victime devant à chaque fois se justifier face à toutes sortes d’allégations et d’accusations.
En définitive, l’objectif ultime de cette procédure est de faire taire. Pour éviter d’autres intrusions domiciliaires, assorties des frais de justice et des coûts réputationnels qu’elles induisent, les chercheurs indépendants peuvent en effet avoir la tentation de ne pas s’exposer et de ne plus faire part de leur expertise, pourtant cruciale. La procédure subie par notre collègue constitue ainsi une atteinte à la liberté académique et, plus généralement, à la liberté d’expression. La liberté académique, qui est à la base de notre travail de chercheurs, commande que de telles manœuvres d’intimidation cessent au plus vite et que le recours à la sommation interpellative à l’encontre de chercheurs indépendants soit rendu illégal.
Le bureau de l’AFSE, association qui prône fermement la transparence vis-à-vis des conflits d’intérêt, apporte tout son soutien à notre collègue Elie Cohen et demande l’arrêt immédiat du recours à de telles méthodes constituant des attaques à la liberté académique.
Le bureau de l’AFSE
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