Yves Le Yaouanq est enseignant-chercheur à la Ludwig-Maximilians-Universität de Munich. Il est titulaire d’un doctorat en sciences économiques de l’Ecole d’Economie de Toulouse, Ingénieur des Mines, et diplômé de l’Ecole Polytechnique. Ses recherches théoriques et expérimentales portent principalement sur les biais cognitifs et leurs implications économiques.
"Three essays on cognitive biases in individual and collective decision"
Sous la direction de Guillaume Gollier à TSE
Alors que les anticipations rationnelles sont l’une des hypothèses principales des théories économiques modernes, la littérature en psychologie et en économie comportementale suggère que les croyances des individus diffèrent de manière systématique de cet idéal. Les processus cognitifs sont notamment influencés par des biais émotionnels ou psychiques, en particulier lorsque les individus forment leurs croyances sur des dimensions importantes de leur identité (leurs propres traits de caractère ou compétences, leurs futures décisions, leurs perspectives d’avenir, etc.). Ces erreurs sont de nature à influencer des décisions importantes : investissements financiers, comportements face au risque, acquisition de capital humain, vote, etc.
Cette thèse a pour objectif de contribuer à un champ de recherches théoriques et expérimentales qui développe des méthodes permettant d’identifier ces phénomènes, et tente d’en comprendre les implications économiques et politiques.
Le premier chapitre se concentre sur les erreurs de prédiction que commettent les individus lorsqu’ils envisagent leurs propres choix futurs, un phénomène appelé “naïveté”. La littérature récente en organisation industrielle a montré que les individus naïfs subissent des pertes économiques potentiellement importantes dans des contextes variés (marché du crédit, décisions d’épargne, contrats...). Ce chapitre démontre, par le biais d’une expérience basée sur une analyse théorique, qu’une majorité d’individus forment en effet des croyances trop optimistes quant à leur propre comportement futur.
Le second chapitre établit un lien entre le biais de sur-confiance en soi et la tendance à croire en une monde “juste” ou “injuste” en fonction de ses succès ou échecs passés. Notre modèle montre que des individus ayant des croyances irréalistes concernant leurs compétences ou capacités dans des dimensions importantes de leur existence interprétent leur environnement de façon incorrecte, en surestimant l’importance des capacités intrinsèques et du mérite personnel lorsqu’ils obtiennent des résultats favorables, et en surestimant le rôle de la chance ou des facteurs extérieurs s’ils échouent. Ces résultats ont des implications dans de nombreux contextes, notamment concernant l’attribution de la responsabilité dans des groupes, la formation des préférences sur les politiques redistributives, l’influence des modèles sociétaux, et le bien-fondé des pratiques éducatives reposant sur la confiance en soi.
Le troisième chapitre développe un modèle de décision collective dans lequel les individus interprètent les informations de manière sélective en fonction de leur orientation politique initiale. En partant du principe que les électeurs ont tendance à nier les arguments scientifiques en faveur des décisions politiques qui heurtent leurs intérêts, le modèle explique la prévalence des désaccords partisans concernant les faits scientifiques liés à des débats de politique publique, y compris dans les cas où la communauté scientifique est proche du consensus (changement climatique, politiques économiques et judiciaires, etc.). Par conséquent, mentionner des solutions politiques compatibles avec les intérêts des différents groupes sociaux permet d’améliorer la prise en compte des connaissances scientifiques dans les décisions collectives.